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23
Oct
2018

L'eau du robinet en Dordogne, un débat éclairé de l'ARES

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Terrasson - Société

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Jeudi 26 janvier, le débat proposé par l'ARES (Atelier de réflexion éthique et sociale) sur le thème de l'eau en Dordogne, eau de consommation courante du robinet d'une part, eau d'usage  agricole ou industriel d'autre part,  a été une fois de plus très intéressant grâce à la qualité de spécialistes des intervenants et à la vivacité du public, toujours nombreux et prodigue en questions. Pascal Damiani, Directeur d'agence chez SUEZ Eau, pour l'Agence de Dordogne, Jean Demaison Président du SIAEP Périgord Est (Syndicat Intercommunal d'Adduction en Eau Potable) et Eric Sourbé, élu à la chambre d'agriculture de la Dordogne en charge de l'hydraulique sur le département et membre de l'agence de l'eau Adour Garonne se sont partagés les thèmes d'exposés et de réponses, permettant au débat d'être à la fois approfondi et éclairant.

Dans une introduction générale, Chouski Maréchal (membre de l'Ares) a énoncé les principaux axes de questionnement du débat et a rappelé les pourcentages d'eau existant sur notre planète : 71% de sa masse totale dont 3% de glace, avec 97% d'eau salée des océans dont 1% d'eau salée souterraine, 2,53 % d'eau douce dont 0,76% d'eau douce souterraine, et, comme l'a ajouté Pascal Damiani, une certaine mobilité du cycle de l'eau liée aux phénomènes de réchauffement climatique, pouvant poser problème à moyen terme.

Le débat s'est ouvert sur le thème de l'eau du robinet ici en Dordogne... Quelle est cette eau qui nous arrive? Comment  est-elle prélevée, acheminée et traitée...? Est-elle inépuisable? Pourquoi n'est-elle pas gratuite? Comment se répartissent les différentes utilisations? Que devient-t-elle une fois que nous l'avons utilisée?  Quel impact sur l'environnement?...

Pascal Damiani a tout d'abord distingué les notions d'eau potable et d'eau buvable. L'eau "potable" répond à des normes européennes de potabilité qui conditionnent l'autorisation de sa consommation humaine, suivant 64 critères et la définition de seuils à ne pas dépasser, alors qu'une eau"buvable" dépasse ce cadre sans être impropre à la consommation : certaines eaux minérales, par exemple, ne respectent pas la totalité de  ces normes et sont cependant buvables. Il a expliqué ensuite d'où provient l'eau que nous consommons en Dordogne : de sources et résurgences nombreuses sur notre territoire, ainsi que de forages effectués dans les nappes phréatiques ou non (de quelques dizaines de mètres à 1040 m de profondeur), plus les eaux de surface, étangs ou rivières, comme le Coly ou la Vézère. On tend à préférer le forage pour la consommation humaine, les étangs et les rivières étant plutôt utilisés pour l'irrigation et pour certains usages industriels avec station d'épuration obligatoire. En tout, sur le département de la Dordogne, il y a 10 prises d'eau en rivières, 176 sources et puits, et 70 forages selon le site du Conseil Départemental ; 9% seulement de notre consommation provient d'eaux superficielles.

Pour que l'eau parvienne aux robinets de nos habitations, elle suit tout un cheminement qui mobilise d'importantes infrastructures de canalisations et réservoirs enterrés ou élevés comme les châteaux d'eau, ainsi que des équipements électro-mécaniques pour un coût de fonctionnement et d'entretien qui explique que cette denrée naturelle de première nécessité ne soit pas gratuite. Par souci d'économie, on préfère utiliser la gravité et le principe d'Archimède plutôt que le pompage. A propos des sources, Pascal Damiani a cité la qualité exceptionnelle des sources du Toulon à Périgueux avec les émergences de l'Abîme et du Cluzeau, au débit volumineux et constant (38 millions de litres par jour) même en période de sécheresse, sources déjà utilisées par les romains et qui alimentent aujourd'hui 13 500 foyers.

Jean Demaison, président du nouveau Syndicat crée sur le secteur, a brossé un état des lieux de la distribution en Dordogne après les regroupements liés à l'intercommunalité. En effet, la gestion de l'eau relève des communes qui peuvent se regrouper pour former des syndicats intercommunaux. Sur les 557 communes du département, 480 ont fait appel à l’intercommunalité pour organiser leur service d’eau potable. C’est ainsi que 58 groupements rassemblent plus de 65% des abonnés du département. Il y a 55 SIAEP (Syndicats Intercommunaux d’Adduction en Eau Potable), 3 SIVOM (syndicats Intercommunaux à vocations multiples), 81 communes. Ici, entre Condat et le Lardin, il y avait un syndicat depuis les années 50 qui s'est agrandi, incluant 14 communes dont Beauregard, La Bachellerie, Les Farges, Nailhac, etc... La loi NOTRe, régissant la nouvelle organisation territoriale, demande de passer de 55 à 16 syndicats pour gérer l'eau potable. Intérêt de l'opération? Ce n'est pas une économie, car selon l'intervenant "ces regroupements coûtent 2 % de notre budget". Même si ces frais  diminueront sans doute, la mesure favorise surtout l'interconnexion et à terme la sécurité. On peut citer ici  les syndicats d'Hautefort-Ste Orse, celui du Causse, celui de Terrasson-Cublac regroupés en SIAEP du Causse de Terrasson couvrant désormais 31 communes, avec 850 km de réseau (16 000km sur toute la Dordogne), 40 ouvrages (pompage, surpression, stockage)  et environ 1 millon de m3 vendus pour 25 000 habitants. Ce qui  est difficile, vue la topographie du territoire, c'est d'avoir parfois à amener l'eau de 80 à 450 mètres en hauteur ; cela induit des dépenses en énergie (2,5 Kw par m3 d'eau). Avec trois points de forage peu profonds mais abondants sur la commune de Condat, plus un troisième sur la Bachellerie, à Charnaillas, deux forages dans la vallée du Coly à 250 mètres de profondeur pour 260 et 130 m3/h, un prélèvement sur une source abondante à Ste Orse et deux autres forages sur Tourtoirac, Jean Demaison a relevé la chance que nous avons d'avoir peu de prélèvements en eaux de surface, et une eau assez préservée, avec de bonnes qualités physico-chimiques, sans pesticides ni produits phyto-sanitaires, ce qui n'est pas le cas partout dans le département.

Sur le plan de l'exploitation et du prix de l'eau, Jean Demaison a précisé que "nous ne fonctionnons pas avec une gestion directe en régie, mais avec une gestion déléguée à la société Veolia, pour un contrat de 12 ans, à échéance 2020". A ceux qui critiquent ce choix en dénonçant les tarifs trop élevés de cette société, il propose de comparer avec le syndicat de Lalinde, englobant 25 communes, qui fonctionne en régie et pratique des prix très proches. Les normes qualitatives de l'eau, de plus en plus drastiques, obligent à des traitements adaptés, sains et performants, qui ont un certain coût : 350 € TTC pour 120m3 consommés en Dordogne, contre 390 € pour 120 m3 en Adour-Garonne. A une question du public sur la nature de ces traitements, l'intervenant a répondu qu'il n'y a pas de traitement chimique de l'eau sur notre secteur, hormis le chlore pour garantir la potabilité bactériologique. Sur Condat, on utilise une filtration au sable quand c'est nécessaire pour résorber la turbidité due à des plaques d'argile, sans ajout de micro défloculants comme le sulfate d'alumine, très contesté au vu de l'augmentation des cas d'Alzheimer partout où il a été utilisé. A Charnaillas ou à Terrasson, on utilise des skids de filtration, membranes de haute technologie ultra fines permettant d'éliminer l'apport de traitement chimique.

Le troisième intervenant, Eric Sourbé, a parlé de la gestion de l'eau dans l'agriculture. Il s'agit ici d'eau brute prise dans le milieu selon diverses applications et législations relatives aux différents pays. Avec 20% de terres arables irriguées, l'humanité produit 40% de ce qu'elle consomme. On compte en Chine 70 millions d'hectares irrigués, en Inde 63 millions d'hectares, aux USA 26 millions d'hectares, et en Europe, la situation varie selon les pays : 3 millions d'hectares irrigués en Italie, 2 millions en Espagne et 940 000 hectares en France... Il a rappelé combien l'irrigation est essentielle à la production, dont elle constitue une assurance de revenu et de qualité. L'OUGC (Organisme unique de gestion collective) créé en décembre 2013 veille à faire respecter une nouvelle gestion des volumes prélevables pour l'irrigation. Les préleveurs, 1500 sur notre bassin versant, doivent s'acquitter d'une redevance à Adour Garonne pour bénéficier d'une attribution de volume. Dans notre département, on compte 25 000 hectares irrigués environ (après une perte de 10 000 h ces dernières années) ;  les stocks fourragers ou le  calibre des noix et des châtaignes par exemple, dépendent de l'irrigation...

Après avoir cité les principaux réservoirs d'eau douce de la région, notamment le barrage de Bort-les-Orgues sur la Dordogne qui a permis de créer le lac de Bort, parmi les plus grands réservoirs d'eau douce d'Europe, l'intervenant a évoqué  les capacités de l'Isle et de la Dronne avec le barrage de Champagnac qui offre 5 millions de m3 pour l'irrigation. Eric Sourbé a également cité  le puits artésien de Bontemps à Brouchaud, exurgence naturelle au débit très variable, ainsi que la Vézère où puisent beaucoup d'agriculteurs pour l'irrigation: avec un débit de 20m3/s et des pointes à 100m3/s, il faut veiller à ce que tous les préleveurs ne puisent pas en même temps et  mesurer les volumes d'irrigation. Lors de la sécheresse de 2013, le débit de crise de 3m3/s ayant été atteint, il fut interdit de pomper.

Pour résumer, nous ne sommes pas mal dotés en Dordogne, même s'il faut se soucier davantage de faire des réserves étant donné que l'on prévoit 20% de pluviométrie en moins dans les 50 ans à venir pour le Sud de la France.  Eric Sourbé a abordé la double redevance due par les agriculteurs : ils sont taxés comme les particuliers en fonction des m3 consommés, mais aussi avec une taxe pollution concernant les rejets, suivant un paramètre SDE (substances dangereuses pour l'environnement), voir le site de l'Agence de l'eau Adour-Garonne pour plus amples informations. Chaque préleveur  est fiché depuis la loi LMA (Loi sur les milieux aquatiques de 2006) et une police de l'eau veille dans chaque département au respect des normes de protection de l'environnement. Le grand débat dans la Nouvelle Aquitaine concerne surtout Bordeaux Métropole et Toulouse Métropole qui nécessitent chacune plus de 50 millions de m3 par an, et qui appellent une politique de l'eau très rigoureuse ainsi qu'une pédagogie visant à rendre les consommateurs plus attentifs et responsables car ce bien, si rare dans d'autres pays du monde, n'est pas un dû illimité, il doit être économisé, protégé et mieux distribué.

Vu le nombre des questions posées par le public, il est difficile de tout rapporter ici, mais le débat a été vraiment nourri, notamment au plan géologique autour de la large nappe éocène, située à 250m de profondeur en Ouest Dordogne, qui offre des eaux d'une extraordinaire pureté mais connaît un temps de renouvellement très lent (10 siècles), ce qui explique qu'elle soit protégée et que l'on interdise, depuis déjà des années, tout prélèvement direct, notamment d'ordre industriel.

L'inquiétant phénomène de la sécheresse du Coly a suscité également des  analyses  géologiques (le sous sol karstique dans lequel il se perd), plus l'évocation d'autres paramètres peut-être en cause, comme le développement de l'agriculture dans la vallée de St Geniès avec la suppression de nombreux marais, des années de pluviométrie ne dépassant pas 600mm, ce qui est anormalement bas...

Une question sur la sécurité, en cas d'acte de pollution malveillante a également suscité des développements sur le contrôle de la qualité de l'eau au-delà des 2 analyses exhaustives par an, et sur les systèmes de veille, les détecteurs d'anomalies et d'intrusions ainsi que sur les procédures suivies pour isoler un site suspect, renforcer le degré de chlore contre une pollution bactériologique, isoler et dépolluer le réservoir atteint, informer et protéger les populations...

Le débat s'est achevé en revenant à la qualité de l'eau du robinet et la question des adoucisseurs a été soulevée : s'ils préservent, plus ou moins bien, nos appareils ménagers, il faudrait, selon les intervenants, les réserver plutôt au réseau d'eau chaude et les exclure du réseau d'eau froide que nous buvons. En effet, alors que l'eau du robinet en Dordogne est excellente, elle perd souvent sa potabilité après passage dans un adoucisseur, tant par le risque fréquent de développements bactériologiques que par de mauvais réglages qui peuvent altérer son équilibre calco-carbonique au détriment de notre santé. A moins d'opter pour un traitement magnétique qui empêche les carbonates de calcium présents dans l'eau de se cristalliser sous forme de  tartre, et ne modifie pas la chimie de l’eau (contrairement aux adoucisseurs), ils conseillent de ne pas s'équiper en adoucisseur mais de baisser la température de nos chauffe-eau à 55°, car c'est surtout la température élevée qui favorise les dépôts de calcaire.

Aussi riche qu'il ait pu être, ce grand débat laisse encore ouvertes bien des questions, mais n'est-ce pas là justement son intérêt ? Il nous a éclairés et ouverts à la complexité et l'étendue des problèmes posés par l'eau sous toutes les occurrences où elle nous concerne, en soulignant combien elle a pour enjeu la qualité de vie sur notre territoire qu'il est crucial de préserver aujourd'hui pour pouvoir la transmettre aux générations futures.

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