On ne peut que regretter la froidure du soir et le nombre de sièges vides vendredi 27 janvier 2023 à 20h à La Distillerie pour la « Nouvelle histoire de Mouchette », lecture théâtralisée par Jean-Paul Daniel, y jouant aussi le rôle d’Arsène, avec Marine Bernard de Bayser dans le rôle de Mouchette et Giancarlo Ciarapica en narrateur. Le petit groupe de spectateurs présents a eu le privilège, en effet, d’assister à une lecture très sensible de l’oeuvre de Bernanos en un format adapté aux quarante cinq minutes du spectacle, via des coupes et des choix parfois difficiles du metteur en scène, qui ont concentré l’esprit du roman sans jamais le trahir. Plus que sensible et inspirée, ce fut une lecture puissante dans sa manière de servir la belle langue de Bernanos, distillant les complexes effets du déterminisme social dans lequel se débat la jeune Mouchette, à la fois ignorée et systématiquement humiliée par son institutrice et sa famille, tout en sentant naître confusément en elle un désir d’être qui va la livrer pourtant à la violence et la rouerie du braconnier Arsène.
Tout se passe dans l’obscurité d’une nuit d’orage, devenu « cyclone » dans l’imaginaire mensonger d’Arsène soumis à ses pulsions, quand Mouchette a perdu son chemin alors qu’elle voulait rentrer de l’école par le bois de Manerville… Le texte bat au rythme de la pluie froide, attentif aux moindres détails des feuilles mortes et de la terre glissante sous les pas de Mouchette épuisée, qui ne sait plus où elle est dans cette épaisse nuit où elle va suivre Arsène.
Il est différent, il est le premier qui la regarde… Elle le suit jusqu’au pire, vouant sans le savoir son pur désir de vivre à une violence qui va la détruire. Tragédie de la vie qui rencontre le mal et épouse la mort…
En se révoltant du silence de Dieu, Bernanos déconstruit la responsabilité des hommes, leur surdité et leur aveuglement, les nôtres… Qu’est-ce alors que le mal sinon l’implacable logique qui porte à son terme l’histoire de la négation d’un sujet, victime comme bourreau, alors qu’en son être unique se cherchait l’amour, l’épanouissement ? C’est cela que le jeu bouleversant de Marine Bernard de Bayser donne à comprendre, à ressentir à nu, dans l’interprétation infiniment vibrante et sensible qu’elle donne ici de Mouchette.
Si toutes les voix sont justes dans cette lecture, sur fond d’une mise en scène très dépouillée où résonnent le bruit des feuilles mortes et la frêle voix de Mouchette émanée de sa solitude, il faut saluer tout particulièrement la prestation de Marine Bernard de Bayser, jeune comédienne née en 1991, qui a travaillé la danse, le chant et le théâtre au Conservatoire régional de Limoges (2011-2014) et au Conservatoire royal de Mons en Belgique (2014-2018) et pour laquelle se consacrer à la scène est une « évidence » comme l’exprime merveilleusement son incarnation de Mouchette.
Mentionnons aussi à la fin du spectacle, le moment où Jean-Paul Daniel a tenu à faire venir sur le plateau le jeune Noam, élève de 3ème3 au Collège Suzanne Lacore de Thenon, pour le remercier de sa collaboration à la Régie, concrétisant les nombreux acquis d’un stage en immersion auquel l’adolescent nous a confié « avoir pris beaucoup d’intérêt et de plaisir ».
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