Etre parents en 2023, des problèmes et des aides

Pas facile d’être parents en 2023, pas facile non plus d’être enfants et de grandir en se structurant ! La réunion de l’A.R.E.S. (Atelier de Réflexion Ethique et Sociale), jeudi soir 15 juin à la salle socio-culturelle du Lardin a pris à bras le corps ce sujet, et a permis à un large public de parents, grands-parents et enseignants d’en débattre librement  et en profondeur, avec des intervenants très investis dans les problématiques de l’éducation familiale et sociale, connaissant bien la psychologie de l’enfant.

Pierre Gurtler, psychologue à la retraite, qui a consacré quarante ans de sa vie à la pédopsychiatrie, a ouvert la séance par une courte introduction. Traçant le cadre et les principaux axes du sujet, il a mis en relief le fait que » l’être humain est un être de relations » qui de la famille à la société en passant par l’école a à se construire en trouvant son autonomie dans le respect de certaines règles et des valeurs qui lui auront été transmises.

Marie Lapouge, éducatrice spécialisée libérale à Boulazac, intervenant à Périgueux dans des structures pour enfants handicapés, des familles d’enfants ou ados manifestant des troubles du comportement, comme auprès des écoles en lien avec la MDPH, a partagé son expérience de terrain, devant des situations parfois très difficiles. Si elle rencontre souvent des parents au bord du burn-out, elle montre qu’au lieu d’opposer l’école et la famille, d’ajouter à la culpabilté de chacun en les mettant dos à dos, il faut travailler ensemble « donner du sens » à ce que l’on demande aux enfants, à leurs apprentissages, pratiquer le renforcement positif plutôt que le jugement ou l’opposition frontale.

L’étonnante évolution de la violence chez des enfants même en bas âge, à la crèche comme l’a montré le témoignage d’une puéricultrice dans le public, leur instabilité à l’école avec l’accroissement des phobies scolaires et des difficultés d’attention et d’apprentissage, les problèmes de harcèlement dévastateurs, posent question… Certes, c’est tout l’environnement social et numérique qui pèse sur la relation parents-enfants et qui rend chaotique et insaisissable l’univers dans lequel l’enfant, bombardé d’images et de propos qu’il n’est pas toujours en mesure de comprendre, ne peut s’orienter, ce qui génère en lui une anxiété latente.

Mélanie Klein, citée par Marie Lapouge, a montré comment l’enfant peut passer par des phases maniaques liées à l’anxiété. L’agitation suppose une angoisse, et l’on observe régulièrement qu’entre l’école et la famille, ce qui se passe mal d’un côté fait se déverser de l’autre côté des comportements difficiles, exutoires de ses frustrations. Le manque de sommeil, -tant d’enfants regardent tardivement tablettes ou écrans de téléphone à l’insu de leurs parents-, le manque de calme et parfois d’harmonie autour d’eux, tout cela augmente la déstabilisation et le risque de crise à la moindre injonction correctrice…

Alors que faire? Comme l’a souligné Pierre Gurtler face aux doutes et à l’angoisse de certains, les parents ont naturellement un rôle d’éducateurs, et comme le prône l’école d’Oslo qui insiste sur l’association des parents au travail de l’école, « même le pire des parents est le meilleur des éducateurs » par le socle  naturel de  confiance qui lie l’enfant à ses parents. Il faut redonner de l’espace aux parents sur lesquels pèse beaucoup de culpabilisation lorsque le comportement de leur enfant pose problème, ne pas les écraser de « méthodes » qui risquent de leur faire perdre la spontanéité de leur relation à leur enfant, mais leur rappeler peut-être que l’enfant a besoin de rituels simples, que poser un cadre clairement défini fait baisser le stress, de même qu’il est important de ne pas multiplier règles et sanctions ni explications de façon abusive et illisible. S’accorder entre parents sur le cadre et les exigences, veiller au sens et à la mesure des petites corrections parfois nécessaires. Ne pas craindre de dire non et parfois de punir, et « se rappeler qu’être toujours gentil ne fait pas nécessairement du bien à nos enfants, on flatte leur envie de se laisser aller », ils ne voient pas les limites. « Quand des règles sont posées, il faut les faire respecter » sinon elles n’ont plus de sens….

L’école, avec la présence de nombreux enseignants instituteurs dans la salle, a été également au centre des réflexions, avec notamment les problèmes posés par l’inclusion en classe d’enfants présentant un handicap. On en retient que même si elle a un intérêt humain évident, pour apprendre à accueillir la différence, « l’inclusion a ses limites, elle nécessite des moyens, des compétences et du temps que l’on n’est pas toujours en capacité d’avoir, elle peut avoir un effet péjoratif pour les autres enfants de la classe ». Là encore, il y a des situations à analyser et parfois des placements à revoir. Deux personnes ont évoqué dans le passé des placements inadaptés induisant beaucoup de souffrance… Heureusement, il y a beaucoup plus de suivi aujourd’hui, on ne place plus un enfant aussi arbitrairement qu’autrefois…

Lorsqu’une situation est devenue trop difficile à gérer il est précieux de pouvoir consulter quelqu’un  qui observe la situation et peut mettre en place de petites modifications qui progressivement allègeront la relation en crise. « Plus la relation de confiance sera restaurée et sera efficiente plus elle aura de poids », et il apparaît que le renforcement positif est finalement aussi fondamental pour les adultes que pour les enfants ! S. D.

– Pour information : on peut consulter à Terrasson le S.E.S.S.A.D. (Service d’Education Spécialisée et de Soins à Domicile), 9 rue des Rouffiats, 24120 Terrasson-Lavilledieu, tél: 05 53 51 39 90 ou Madame Marie Lapouge 7 rue Jean Lajoinie, 24750 Boulazac


 

Le compte-rendu de l’ARES envoyé à ses membres :

Compte Rendu de la Conférence du 15 juin 2023 : « Être Parent en 2023 » au Centre socioculturel Le Lardin. Conférenciers : Marie Lapouge et Pierre Gurtler.

Le sujet aborde les problèmes liés aux devoirs des parents en 2023 : conflits intergénérationnels, la communication chez les enfants, leur rapport à leur avenir, leur rapport au travail, les violences intra-familiales….

Le Président Delage rappelle la règle principale à suivre lors des débats au sein de l’ARES : « Ecouter l’autre avec suffisamment d’attention et de bienveillance jusqu’à être capable de changer
d’opinion ».

Présentation des conférenciers :
Marie Lapouge est éducatrice spécialisée libérale à Périgueux. Elle suit les troubles du comportement des jeunes à la maison et à l’école. Marie Lapouge note le développement de la violence dans les familles. Parfois l’enfant prend la tête de la famille, ce qui entraîne le découragement de ses parents qui ne savent que faire. La violence verbale et même physique est alors courante. Le travail de Marie Lapouge repose beaucoup sur la médiation. Il existe plusieurs méthodes, dont la méthode « REACT » (Résistance non violente).

Pierre Gurtler est retraité, ancien psychologue enfants. Il a consacré 40 ans de sa carrière à la thérapie familiale liée aux relations « enfants-parents-école ». Il précise que l’homme est toujours un être de relations. Celles-ci se créent d’abord au sein de sa propre famille (les parents commencent à donner à leur enfant un nom), puis s’étend à l’école et à toute la société, l’enfant devenu adulte est alors autonome. Pierre Gurtler précise que pour parvenir à l’autonomie, un enfant doit d’abord se sentir en sécurité. Il ajoute que l’évolution moderne ne facilite pas cette évolution naturelle de l’enfant : les changements de noms, les remariages et surtout l’impact des nouvelles technologies (accès aux réseaux sociaux, Internet…).

De nombreuses questions ont été posées par les participants : enfants souvent insupportables mais calmes lorsqu’ils ont une responsabilité, enfants très agités à l’école et mais calmes en famille (et vice-versa), enfant accusant un léger retard dans ses études et mal dirigé vers une structure spécialisée inefficace, financement des interventions des psychologues, carences des postes spécialisés dans l’éducation nationale, etc…

Les conférenciers ont indiqué qu’il ne fallait pas faire preuve de trop grande gentillesse avec les enfants. Ces derniers ont besoin de cadres précis pour s’épanouir ; ils attendent qu’on leur fixe des
règles quitte à ce qu’ils décident de les transgresser en faisant leurs propres expériences. Aimer consiste aussi à savoir sévir, « parce que je t’aime ». Sans structure tant dans le cadre familial qu’à
l’école, l’enfant devient angoissé et anxieux : il s’agite et s’oppose.

On a cité les parents qui sont indirectement responsables du manque de sommeil de leur enfant (conséquence de la TV ou des portables et tablettes). Souvent démunis, les parents demandent à être aidés. Madame Lapouge indique qu’une aide peut être trouvée dans les centres sociaux des grandes villes (Périgueux et même Terrasson). Jamais en s’opposant frontalement aux parents (qui font ce qu’ils peuvent…) Dans les crèches, on note également un surcroît d’agressivité des très jeunes. Les intervenants indiquent que leur démarche ne doit ni sanctionner, ni corriger les structures familiales. Souvent longue, la démarche consiste à écouter, questionner puis suggérer aux familles un changement très progressif dans les règles du cadre familial. Il faut parler, certes, mais à un moment il faut agir. Face aux difficultés crées par un enfant, on demande aux parents de mieux réagir, ce qui bien souvent entraîne leur découragement (cas de burn-out). Le psychologue est là pour régler ces cas de défaillance parentale. L’enfant a besoin d’être dans un environnement dans lequel il se reconnaît, qui a du sens pour sa famille et pour lui. Quand on parle d’inclusion de l’enfant dans une autre structure, il faut préciser que cela ne peut concerner tous les enfants. Parfois c’est l’effet inverse qui est produit (exemple de malentendants ou de déficitaires légers qui se retrouvent en échec dans une structure « normale » et qui au contraire s’épanouissent avec leurs pairs…) L’enfant doit grandir en s’épanouissant naturellement. Il n’est pas conseillé de le considérer comme un adulte trop tôt. Au cours des débats, on a beaucoup évoqué l’importance du dialogue entre les parents, les enfants, les professeurs et, lorsque que cela est nécessaire, avec les psychologues et les différents professionnels. Un pot convivial a clos cette conférence.

Prochaines rencontres :

Les Entretiens du Musée avec l’ARES

– « L’avenir de l’industrie papetière » le 31 juillet 2023 avec Jean Jacques Chastaing
– « Jeunes Entrepreneurs en Périgord » le 2 août 2023 avec Nicolas Djerbi
– « La Transition Energétique – Industrie décarbonisée » le 4 août 2023, avec Jean-Marc de Royere

Concert Duo Hylia (Violon/ Guitare) en l’église de Bersac le 3 août à 20h (Beauté et Expression)

Prochaines rencontres :

« Informations des jeunes sur la sexualité » le 15 septembre 2023 Dr Nadine Grafeille

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