Le Lardin : Jean-Marc de Royère invité par l’Ares

« C’est un sujet absolument majeur qu’est en train de vivre l’industrie : la transition énergétique. Un sujet compliqué dans un contexte particulier » ne cache pas Jean-Marc de Royère, invité par l’Ares à partager un certain nombre d’éléments à partir de son expérience. Le thème de la rencontre était précisément : « Industrie et transition énergétique : du charbon de Brardville (au Lardin) à l’énergie décarbonée ». Le président de la Fondation du groupe Air Liquide a donc participé à  ces « Entretiens du Musée », ce 4 août 2023, devant le musée de l’Industrie, dans la cour de l’ancienne école de Saint-Lazare au Lardin.

Un compte-rendu de Lydia V. de l’Ares. (qui devrait être complété dans quelques jours).



« L’énergie est à l’origine de la révolution industrielle. Vers la fin du XVIIIème siècle, on a accès à des sources d’énergie, en quantité, pas trop chères, qui ont démultiplié la force physique. Aujourd’hui, le panorama est complètement remis en cause, les sources énergie sont en train de changer complètement. Qu’est ce que la transition énergétique ? Comment se positionne l’industrie face à la transition énergétique ? Quelles sont les opportunités dans ce contacte pour la France et pour l’Europe ? Ce débat a permis d’aborder notamment le sujet de l’hydrogène.

L’intervenant travaille pour le groupe industriel « Air liquide » qui fait essentiellement de l’oxygène et également de l’hydrogène. Il a évoqué son expérience personnelle dans le secteur médical d’Air liquide. Il a beaucoup travaillé en Asie (Japon, Chine) et il était en contact avec des industries en Amérique du Nord. Il avait travaillé aussi dans les années 90 dans le secteur de la cogénération.

L’intervenant a aussi abordé rapidement le thème des mines du Lardin… Un historien du 19ème siècle a écrit : « sur les bords de la Vézère, près du village de St Lazare, M. de Rastignac fit rechercher des mines de houille. En mars 1788, il avait obtenu la concession de la mine pour 20 ans avec le droit d’établir une verrerie. Mais les travaux furent interrompus par la révolution. Il faudra attendre la Restauration pour continuer avec le lancement de l’entreprise des mines du Lardin, reprises au départ par l’aïeul de J-M. de Royère Francois-Dominique qui fut l’un des associés aux côtés de Cyprien Brard. Mais son ancêtre meurt rapidement, en 1824. La mine périclite et C. Brard développe la verrerie. Ensuite c’est la famille Delas qui essaie de relancer l’activité minière, malgré des inondations régulières. A la fin du 19ème siècle, il relance l’activité minière (2 galeries principales à 50 et 70m de profondeur, on y accédait par un puits de 75 mètres. Elles faisaient jusqu’à 300 mètres). Mais avec très peu de rendement, la mine ferme définitivement. « Dans cette époque de la Révolution industrielle, on considérait que la richesse était de trouver dans le sous-sol des sources d’énergie et donc il était normal d’essayer ici de le faire avec beaucoup de persévérance » dit-il. 

Le conférencier revient vite à 2023. Le poste « énergie » des industries représente 30 à 40 % des coûts de production. C’est un sujet actuel incontournable pour le développement de l’activité industrielle. Jusqu’à présent, les énergies utilisées sont des énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz naturel. Abondantes, peu chères, on a beaucoup compté sur ces énergies relativement abordables. Mais l’industriel ne peut plus continuer car elles sont trop polluantes (acides, soufre, oxydes d’azote, carbone), le réchauffement climatique et les gaz à effet de serre. Quand il brûle, il se combine à l’oxygène de l’air, et fabrique du CO2 et en s’accumulant cela crée des effets de serre. S’ajoute aujourd’hui un problème économique, avec un coût très instable (guerre en Ukraine…). Ce qui est un vrai problème de visibilité, de prévisions, avec les énergies fossiles. On se tourne vers les énergies renouvelables : solaire, éoliennes. Et le nucléaire (pas renouvelable, mais propre).

Selon M. De Royère, les industriels ont besoin aujourd’hui d’un « mix » car ils ne peuvent pas être tributaires du soleil ou du vent.

Comment l’industrie voit cette transition ? L’Europe est en pointe sur les énergies renouvelables avec l’Accord de Paris du 12 décembre 2015 sur les changements climatiques. Cela n’a pas été suivi d’effets car les industriels se rendent compte que ça va coûter très cher. La Chine a une position assez ambiguë (elle développe les énergies renouvelables, mais c’est aussi le premier pays qui continue à extraire le charbon).

Les industriels étaient attentistes. On ne se précipite pas trop. Par contre, depuis 2 ou 3 ans, c’est un basculement total. C’est une espèce de révélation : l’industrie prend le sujet au sérieux, d’aller vers des énergies propres. C’est même le premier sujet des industriels. D’ici 15 à 20 ans, on aura très peu d’énergie à effet de serre. La Chine, pleine de paradoxes, continue le charbon et développe beaucoup la voiture électrique. Les voitures chinoises attendent de pouvoir rentrer en Europe. L’Inde n’est pas encore une puissance industrielle… Une inconnue : la possibilité de devenir un acteur important dans l’industrie. En fait, des opportunités de business. C’est la possibilité de revoir nos offres et d’avoir un business profitable qu’on expliquera au consommateur. Le marketing a pris la main sur ce basculement. L’acier vert : beaucoup de sidérurgiques veulent se passer de coke ; d’ici 10 ans, l’acier sera vert en utilisant l’hydrogène. Dans les transports : le véhicule électrique se développe un peu ; les US ont vu beaucoup l’enjeu business ; un moyen de relocaliser leurs industries. L’IRA, programme du gouvernement américain, subventionne les industriels pour réaliser des investissements dans les énergies propres sur le sol américain. Enjeu d’acceptabilité, d’attractivité pour attirer les jeunes, revirement comme une révélation.

L’hydrogène : un des éléments de la transition énergétique.

L’énergie sera remplacée par l’électricité. Dans l’industrie des procédés pas très commodes. L’hydrogène H2 produit qui existe très peu à l’état naturel. Extrait de l’eau par électrolyse ; on va séparer l’oxygène de l’hydrogène. Quand on le consomme, il va se recombiner à l’oxygène. Problème : il faut de l’énergie fossile pour séparer l’oxygène de l’hydrogène. On chercher à faire du courant électrique à partir du solaire ou éolienne. Relativement cher à grande échelle. Ce n’est pas encore à l’échelle industrielle. L’hydrogène peut se substituer aux énergies fossiles dans les procédés industriels (acier vert) ; s’utiliser pur directement dans les moyens de transport ; vapeur d’eau dans nos pots d’échappement.

Carburant de synthèse : faire de l’essence avec hydrogène propre et on va récupérer du CO2 de l’atmosphère et le combiner à l’hydrogène. D’où recyclage On ne fait que réutiliser le CO2 existant.
Ce n’est pas non plus le produit miracle : trop cher. L’hydrogène bleu : vient d’une source fossile (gaz naturel). Le méthane CH4, on le brûle, on coupe en 2 la molécule du CH4 ; l’atome du carbone va se combiner avec l’atmosphère. Ce carbone va être récupéré et enterré dans le sol.
En attendant l’hydrogène vert, le bleu est moins cher. Etape intermédiaire de l’hydrogène bleu avant le vert.

Opportunités pour nous en Europe de cette transition (aussi pour la Chine, les US) :

– L’enjeu : compétitivité industrielle : indépendance et compétitivité en Europe.
– Baisser les coûts de l’énergie à terme.
– Eviter l’imprévisibilité des coûts.
– Evolution dans le nucléaire avec les SMR : petits réacteurs à l’étude en Chine. Cela demande des entrepreneurs pour le développement et la valorisation de ces opportunités.

Question : l’Afrique et la transition énergétique ?

Air Liquide est en instance de signer un gros contrat avec l’Afrique du Sud pour l’électricité basé sur l’énergie solaire. Il faut un mix : j’ai une base qui me permet de tourner tout le temps et des énergies renouvelables qui viennent quand soleil ou vent sont disponibles.

Question : les politiques différentes en Europe ?

On est divergents, mais aussi complémentaires. Le cas de l’Allemagne qui développe ses éoliennes et en France le nucléaire. Les Allemands achètent notre nucléaire. On a le panel énergétique nécessaire qui nous assure l’indépendance, la sécurité d’approvisionnement. Pour le moment, c’est un peu difficile, mais restons positif. L’électricité voyage relativement bien entre les pays.

Question : Y-a-t-il un risque avec l’hydrogène ?
Il n’y a pas de risque particulier, mais à manipuler avec précaution. Deux façons de stocker l’hydrogène :
– Soit à température ambiante,
– Soit liquide à très très basse température.
C’est maîtrisé aujourd’hui, notamment en France. Certes, c’est plus compliqué que transporter du fuel, mais ce n’est pas un problème majeur ».

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