Qui n’a pas lu, enfant, les Contes d’Andersen, et rêvé ou pleuré au gré des pages entre l’évocation d’animaux merveilleux et celle de situations humaines tragiques, comme l’intense misère qui condamne la petite fille aux allumettes à mourir de froid ? Entre la solitude de l’enfant plongé dans son livre de Contes, les rituels des histoires racontées ou lues par les parents et une lecture théâtralisée d’un choix de Contes d’Andersen mise en jeu par Christian Taponard et Marie-Hélène Saller, son assistante pour ce spectacle, il y a toute la différence d’un profond travail sur le texte qui met en relief comme des fils d’Ariane, les lignes de force des contes, à de multiples niveaux de sens, tout en faisant goûter au public, exacerbées par le jeu des lecteurs-acteurs, les émotions empathiques qu’ils suscitent.
La lecture proposée ce vendredi 26 janvier 2024 à La Distillerie de Terrasson par les Voyageurs de Mots devant un public d’adultes accompagnés de trop peu d’enfants, (quel dommage !), a choisi de donner la part belle à « La Reine des Neiges », en passant par des extraits de « La Princesse sur le petit pois », « Le vilain petit canard », « L’histoire de Valdemar Daae et de ses filles racontée par le vent », » La petite sirène »… Contes qui nous parlent tous implicitement de nous, vivant dans un monde humain et inhumain, et qui nous apprennent tous quelque chose, en chargeant la poésie et le rêve de tisser les fils de nos identifications.
Dans « La Reine des Neiges », deux enfants qui s’aiment, Kay et Gerda, sont confrontés à l’adversité par l’entremise du diable. Mais le coeur pur et le courage de Gerda finissent par sauver Kay de l’emprisonnement glacé où le retient la Reine des Neiges, et ses larmes de joie le libèrent enfin de l’éclat de verre maléfique qui s’était logé dans son coeur…
Au regard de la fureur du monde où « le diable » s’amuse à pervertir le regard des hommes et à faire régner la guerre et le malheur, c’est un vrai trésor que ce conte pour garder la force de lutter. Car à travers mille péripéties et mille peurs surmontées par la fragile Gerda, il ouvre une clairière d’espoir, montre que l’on peut toujours parvenir à trouver ou à inventer un monde meilleur…
Les lecteurs-acteurs : Isabelle Blaise, Alan Bolle, Corinne Gourdon, Sylvie Mège et Patricia Mongendre, dans une mise en scène très rythmée et enjouée, ont su donner beaucoup de vie et d’intensité dramatique aux textes choisis. De merveilleux intermèdes musicaux et toute une palette de couleurs de voix ont également participé à la vie de cette lecture qui sans cela eut pu paraître longue comme la longue « nuit d’hiver » qu’elle habitait de « songes »! Bravo à Matthieu Blaise aux lumières et Gilles Lorin au son, et à la scénographie d’Alan Bolle.
Remercions chaleureusement la Distillerie de Terrasson, Christian Taponard et les Voyageurs de Mots, pour cette parenthèse enchantée. Dans le cadre du Printemps des poètes, ces derniers préparent une lecture théâtralisée de textes de Paul Eluard…