27
Oct
2021

Voyage musical exotique à la médiathèque

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Terrasson - Loisirs/Culture

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Le nombreux auditoire venu écouter la Conf'détente animée par Joël Costi à la Médiathèque de Terrasson, sur le thème de "L'exotisme en musique", ce mardi 26 octobre 2021, s'est volontiers laissé emporter dans un voyage musical aux couleurs orientales. Chaleureux moment, où le conférencier, ex-critique musical à Radio-France International, a donné plus de place aux choix musicaux qu'au discours, lequel contextualisait les extraits et les oeuvres avec toujours l'érudition simple, accessible et vivante que nous connaissons à Joël Costi. Une plaquette de référence avait en outre été distribuée par la médiathèque, proposant les titres des oeuvres, leurs interprétations, et certaines traductions des airs écoutés.

Après une conférence sur Offenbach, le 18 février 2020, on peut interroger les raisons de ce nouveau thème. Notre conférencier s'en est expliqué d'entrée de jeu : au sortir de "cette longue période dans laquelle alternaient inquiétude et confinement, 20 mois bien étranges, avec une quasi impossibilité de voyager... tout naturellement s'est imposé le thème de l'exotisme, un bon moyen de s'évader, de voyager, de rêver. Les compositeurs de musique, comme les peintres, ont puisé bien souvent leur inspiration dans l'exotisme, dans cet ailleurs, cet au-delà qui nourrit l'imaginaire. Aujourd'hui, certains crieraient à l'appropriation culturelle. Pour ma part, j'y vois un hommage, une célébration des autres cultures".

Initié avec Jean-Baptiste Lully et la "Marche pour la cérémonie des Turcs" composée en 1670 pour la comédie ballet de Molière, "Le Bourgeois Gentilhomme", ce périple musical fait tout d'abord la part belle à la Turquie également présente dans la première entrée des "Indes Galantes", composées par Rameau en 1735, dont on a entendu l'air des Sauvages ou du Calumet de la paix (à voir sur You Tube dans une fabuleuse adaptation de Clément Cogitore avec le concours de danseurs de Krump et de trois chorégraphes : Bintou Dembele, Grichka et Brahim Rachiki, à l'Opéra de Paris). Mais Mozart s'est aussi laissé séduire par l'Orient et compose en 1782, à 26 ans, "L'enlèvement au Sérail", qui met en scène la tentative du noble Belmonte d'enlever sa fiancée Konstanze, retenue prisonnière dans le palais du pacha turc Selim, opéra dont on a écouté l'ouverture et le célèbre choeur des Janissaires, milice d'esclaves européens au service du Pacha.

L'Egypte, province reliée à l'empire ottoman jusqu'en 1882, va rester gravée dans l'imaginaire du 19eme siècle, associée entre autres à Bonaparte, à Champollion, en passant par Théophile Gautier qui publia "Le roman de la momie" en 1858. Pour illustrer ce penchant pour l'Egypte, notre conférencier a cité un extrait de "La Caravane du Caire", comédie lyrique de André Modeste Gretry, oeuvre créée en octobre 1783 au Château de Fontainebleau et représentée plus de 500 fois à l'Opéra de Paris entre sa création et 1829, ainsi qu'un extrait d'une ode symphonique  peu connue de Félicien David intitulée "Le Désert", composée à Louqsor en 1895 lors d'un long voyage en terre égyptienne et qui évoque les caravanes cheminant dans l'immensité désertique, ou l'appel du muezzin... Quant à Aïda, l'opéra de Verdi, inspiré d'une intrigue écrite par l'égyptologue français Mariette, fondateur du musée du Caire, il est si populaire que Joël Costi ne l'a pas cité en musique mais il a rappelé qu'il fut une commande de l'Egypte pour l'inauguration du canal de Suez (le 17 novembre 1869), bien qu'il ne fut créé à l'Opera du Caire que le 24 décembre 1871 en raison des obstacles occasionnés par la Commune de Paris à l'envoi des décors et des costumes restés bloqués dans la capitale. Ont suivi la complainte de Mârouf, au début de l'opéra comique en cinq actes de Henri Rabaud : "Mârouf savetier du Caire", créé à l'Opéra-Comique en mai 1914, et l'oeuvre d'un grand voyageur, Camille Saint-Saëns, qui séjourna au Caire et entendit un jour sur les bords du Nil un chant d'amour nubien qu'il trouva si beau qu'il en nota la mélodie sur sa chemise pour ne pas l'oublier... C'est le thème magnifique de son concerto pour piano n°5 dit l'Egyptien. Non moins sublime, le solo de hautbois par lequel s'ouvre la Bacchanale de "Samson et Dalila" du même auteur, avant que l'orchestre ne se jette dans une danse au rythme endiablé.

Mais si l'on se tourne vers les compositeurs russes, "ils n'échappent pas non plus à l'attraction de l'exotisme", en témoigne la célèbre danse tirée du ballet du "Casse-noisette" de Tchaïkovski intitulée "Le Café" ou "Danse arabe" et le si bel air de ténor du marchand indien dans "Sadko", chef-d'oeuvre de Nicolaï Rimski-Korsakov dont la première eut lieu en janvier 1898 à Moscou.

Du point de vue d'un compositeur russe, cependant, l'exotisme peut changer d'horizon et se chercher de l'autre côté de l'Europe, comme en Espagne par exemple, avec le "Capriccio espagnol" composé en 1887 par Rimski-Korsakov et construit sur des mélodies espagnoles glanées lors de son séjour à Cadix en tant qu'officier de la marine russe.

On ne peut cependant ignorer l'Inde ni l'Asie dans ce voyage musical en exotisme, et Joël Costi  nous a proposé un bel extrait de "Lakmé", l'opéra de Leo Delibes, histoire tragique d'une quasi déesse Lakmé, dont va s'éprendre un officier anglais... On est en 1883 en pleine domination de l'empire britannique sur l'Inde. Magnifique air des fleurs, lumineux et  aérien, chanté par Lakmé et sa servante Malika... Petit tour au sud de l'Inde, au Sri Lanka... Situé sur l'île de Ceylan, l'opéra en trois actes composé à 25 ans par Georges Bizet, "Les Pêcheurs de perles", créé le 30 septembre 1863 au Théâtre-Lyrique, "raconte comment le voeu d'amitié éternelle de deux hommes est menacé par leur amour pour la même femme, elle-même tiraillée par son amour pour le pêcheur Nadir et son voeu de prétresse". Magnifique romance de Nadir...

Au Siam, aujourd'hui la Thailande, au 19eme siècle pour l'intrigue, et à la mi 20eme pour la composition, "The King and I'" est une comédie musicale américaine de Oscar Hammerstein II et Richard Rodgers, créée à Broadway en 1951. Ce fut un immense succès de l'après- guerre, dont nous avons entendu la marche des enfants royaux...

Pour finir, deux citations de Puccini : l'ouverture de "Mme Butterfly" suivie du bonheur de sa jeune vie, "mélo sublime qui raconte l'histoire malheureuse d'une japonaise séduite et abandonnée par un marin américain Mr Pinkerton dont elle attendra un enfant... et "Turandot" son dernier ouvrage, inachevé d'ailleurs. Dans une Chine médiévale imaginaire, la cruelle princesse Turandot, fille de l'empereur, d'une beauté légendaire, attire à Pékin de nombreux prétendants. Ces derniers doivent se soumettre à une terrible épreuve : s'ils élucident les trois énigmes que leur propose la princesse, ils gagnent la main de celle-ci et le trône de Chine, s'ils échouent, c'est la décapitation  qui les attend".

Au terme du voyage, le conférencier a proposé comme Cyrano de Bergerac, Jules Vernes ou Méliès, un exotisme qui se tourne vers l'espace sidéral, mais "très peu de musiciens se sont inspirés du ciel, à l'exception d'un suédois, Gustav Holst qui a composé tout un cycle sur les planètes". Joël Costi a clôturé cette balade musicale par "l'évocation de "Jupiter," celui qui apporte la gaité". Merci à lui et à la médiathèque pour ce si bon moment.